Digital Maroc Transformation numérique: le boom digital au Maroc…

Il y a de l’acquis : le nouveau cabinet a ainsi créé un département chargé de la transition numérique. Preuve que la prise de conscience s’est faite, d’autant plus que son périmètre couvre également la réforme de l’Administration. Un chantier du digital donc; il faut désormais en faire un levier de développement, comme le rappelle la ministre déléguée Ghita Mezzour. Y a-t-il une stratégie ? L’on parle de «valorisation du secteur numérique, de fédération des acteurs de l’écosystème aussi, de créer à cet effet une dynamique globale». Qu’en est-il au vrai ? En d’autres termes, si les objectifs fixés pour la présente mandature jusqu’à 2026 sont bien définis, il reste les conditions et les modalités de leur réalisation et, partant, de leur implémentation dans les politiques publiques.

Les acquis ne manquent pas, classant le Maroc dans le lot des «champions africains de la tech», notamment dans les domaines suivants : connectivité, télécoms, accès à Internet (34 millions d’internautes), e-commerce,… Il s’agit-là de l’un des chantiers vecteurs et transformateurs d’amorçage du nouveau modèle de développement (NMD). Un levier de changement. Et de développement. Le numérique ? Il aide à augmenter la confiance entre le citoyen, les entreprises et l’Etat. Comment ? En améliorant la relation Etat-citoyen et Etat -entreprise sur la base de procédures simplifiées, clarifiées aussi, sans oublier une meilleure qualité des services.

Digital nation ?

Des défis à relever. Le premier a trait à une stratégie de transformation numérique. Elle aura à terme un impact en changeant la société, le mode de vie et les comportements quotidiens. Le numérique est un facteur de production et de compétitivité. Un premier effort a été déployé en direction de la digitalisation des services publics. La loi date de 2019; elle a tardé quelque peu à être appliquée. A preuve, il a fallu attendre le début de cette année 2022 pour que des mesures opératoires soient enfin prises : examen de 3.832 procédures dans l’administration publique, publication de 2.700 d’entre elles sur le site «Idarati.ma», retrait de 800 autres sans base juridique… Question : comment en est-on arrivé à un tel dysfonctionnement de la gestion administrative ? Mystère. Du progrès a été fait et il semble bien qu’une dynamique impulse la transition numérique, tant dans les administrations que les collectivités locales, de manière sans doute différenciée, suivant les domaines, parfois même à «bas bruits» pour certaines d’entre elles. Dans cette même ligne, il faut noter qu’un programme intéressant 10.000 personnes a été lancé, qui se propose le renforcement des compétences des fonctionnaires dans le domaine de la digitalisation. D’autres défis sont à relever : la mise à niveau des infrastructures numériques de haut- débit et très haut débit fixe et mobile, avec leur extension à l’ensemble du territoire – le droit d’accès assuré ainsi à tous les citoyens; le développement de plateformes numériques assurant tous les services aux citoyens et aux entreprises; la formation de compétences pouvant porter sur le terrain la transformation numérique; et le parachèvement du cadre légal et réglementaire prenant en compte aussi la souveraineté numérique du Royaume.

Enjeu économique

L’enjeu est aussi économique. L’industrie numérique représente aujourd’hui pas moins de 25% de l’économie mondiale; les prévisions actuelles le rehaussent à hauteur de 40% à l’horizon 2030-2025. Le Maroc doit redoubler d’effort pour s’insérer dans ce processus. La bonne voie a été empruntée à ce jour. En témoignent plusieurs indicateurs : les 4% du secteur des télécommunications dans le PIB en 2020; le chiffre d’affaires de 35 milliards de DH à la fin 2021; le «boom» de l’offshoring avec plus de 120.000 emplois liés au plan d’accélération industrielle et des investissements de l’ordre de 1,5 milliard de DH. Il faut aussi mentionner le secteur financier qui s’inscrit dans cette même tendance. Ainsi, à la Bourse de Casablanca, le secteur tech est l’un des plus performants depuis des années. La mobilisation autour de la lutte contre la pandémie Covid-19 a été un facteur et un vecteur d’accélération et d’élargissement en offrant des procédures et des solutions marquées du sceau de l’innovation. Lors de la 14ème édition du Prix national de l’administration électronique «e-mtiaz 2021», organisée par le département ministériel dédié, certaines administrations se sont distinguées : ministère de l’Economie et des Finances, portail national des collectivités territoriales (ministère de l’Intérieur), CDG, Registre national des garanties mobilières (ministère de la Justice), Service électronique de dépôt des plaintes ministère public), plateforme diw@nati (administration des douanes et impôts indirects).

Le CESE a appréhendé cette problématique dans un récent rapport. Il appelle à la digitalisation de l’ensemble des procédures administratives d’ici 2025. Il estime que cette modernisation pourrait générer une économie de 10 milliards de DH, soit près de 1% du PIB. Il a aussi retenu que le secteur TIC doit se fixer une hausse significative de l’ordre de 10% à l’horizon 2026-2027. En janvier dernier, l’on se souvient qu’a été lancée officiellement la marque «Morocco Tech», avec de grandes ambitions. Il s’agit d’un défi mobilisateur : celui de placer le Maroc dans le premier lot des places digitales mondiales. Plus qu’une marque : une vision, un engagement, un écosystème dynamique, une libération du potentiel humain et un projet de société. Il y a bien des porteurs d’idées et de projets : au gouvernement de les accompagner !

Une révolution en marche…

Le numérique ? C’est une révolution en marche – elle ne va pas s’arrêter, tant s’en faut. Il faut s’y préparer. Comment ? Le modèle dit du «Cloud Souverain» est l’une des approches à prioriser. Il s’agit de privilégier l’externalisation vers des opérateurs marocains. Administrations et entreprises doivent s’y atteler de manière prioritaire. La crise sanitaire ouverte depuis mars 2020 a fortement poussé dans ce sens. Cette expression, on la doit à Ahmed Iraqi (Advisory Systems Engineer Maroc et Afrique de l’Ouest, Dell Technologies), lors des dernières Matinales du Groupe Le Matin. A ses yeux, «le Cloud est le pétrole de ce siècle et la data est notre clé pour progresser». Ce qui impose que l’investissement dans le Cloud soit l’une des priorités stratégiques sur la base de l’externalisation vers des opérateurs marocains qui ont la maîtrise de la technologie. Cette pratique-là n’avance pas beaucoup, à la différence de sa forte croissance à l’international. Les grandes institutions publiques, les groupes, les banques et les entreprises financières s’y investissent. Tel n’est pas encore le cas des PME … L’Etat doit se préoccuper de cette situation. En même temps, il conviendrait de nouer des alliances régionales, l’Afrique étant au premier plan.

C’est un écosystème à mettre en place. À conforter. Et à élargir, et ce sur des bases de sécurité, de confiance. Assurément, la réussite de la transformation digitale commande une gouvernance inclusive associant toutes les parties prenantes. Le président de l’Association des utilisateurs des systèmes d’information au Maroc (Ausim), Hichem Chiguer, plaide dans ce sens. Et d’appeler de ses vœux ce qu’il appelle une coconstruction d’une vision, une solide relation de confiance entre le département dédié, les fédérations, les institutions et les associations professionnelles, enfin l’écoute des besoins de la communauté. Des solutions technologiques sont ainsi commercialisées par des opérateurs en direction des entreprises. Celles-ci soulèvent le coût de la mise en place du Cloud; d’autres s’interrogent sur sa réelle pertinence. Une sensibilisation se fait pour mettre l’accent sur la sécurité des données et les performances du Cloud, en termes de compétitivité. Dans cette même perspective, il faut noter la place de la dématérialisation avec la signature électronique. Un arsenal juridique a été mis sur pied à cet égard qui sécurise les transactions électroniques- il valide la signature électronique au même titre que la signature manuscrite. Un chantier continu. Permanent. Un autre monde en perpétuel mouvement où priment l’agilité et l’innovation. Une grande ambition nationale…

Par Mustapha SEHIMI Professeur de droit, Politologue, source : fnh

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